Accueil A la une Secteurs publics : La douane tunisienne en mutation, défis et perspectives

Secteurs publics : La douane tunisienne en mutation, défis et perspectives

 

En dépit des succès enregistrés et du rôle prépondérant que joue la douane tunisienne en tant qu’institution de lutte contre la contrebande et de sauvegarde de l’économie nationale, une frange importante de l’opinion publique n’arrête pas d’accuser ce secteur de corruption systémique. Certains sondages  attestent pourtant de la bonne santé des services de la douane.

 Les services de la douane tunisienne ont la charge de plusieurs missions nationales dont particulièrement le contrôle de la circulation des marchandises et des capitaux, à l’intérieur du pays et au niveau des frontières, ainsi que le contrôle de l’exportation illégale des œuvres d’art et des antiquités aux ports et aux aéroports.

La douane tunisienne n’a eu de cesse, ces dernières années, de prendre des mesures pour endiguer le fléau de la corruption en son sein. Il est cependant vrai que les citoyens ont tendance à tomber dans l’extrapolation et les préjugés. D’un autre côté, des agents et  cadres persisteront à gangréner ce corps sensible qui, avouons-le, s’est sérieusement engagé dans de profondes réformes, visant à instaurer une douane moderne, efficace et ouverte sur son environnement voulant enraciner les valeurs d’éthique, d’intégrité et de transparence. Un plan stratégique qui s’étale sur cinq ans ( 2020-2024)  a été mis en place  pour moderniser les outils et les moyens d’action, pour que la douane s’adapte aux changements successifs qui impactent le fonctionnement de ses différents services.

Des lois obsolètes

Pour l’année 2022, la valeur des marchandises de contrebande saisies est estimée à 508 MD, soit une hausse d’environ 30%, par rapport à l’année 2021. Dans ce cadre, il est utile de mettre en relief les efforts de la douane tunisienne qui compte plus de 7OOO douaniers.

Dans ce cadre de la lutte contre la contrebande de stupéfiants, les services de l’unité de la Garde douanière à Médenine ont saisi plus de 640.000 comprimés de stupéfiants, depuis le début de l’année 2023. Le nombre de comprimés saisis de « Prégabaline 300 mg »  (un médicament détourné à des fins de toxicomanie et qualifié de drogue des pauvres) est de 633.780 comprimés. Celui des pilules stupéfiantes du type « Ecstasy » a atteint 875.000. Selon la douane tunisienne, ces opérations ont été réalisées à la suite d’un réseau de renseignement qui fonctionne, et lors des patrouilles routières, où les inspections des moyens de transport et des marchandises chargées à bord ont permis de découvrir des cachettes aménagées à l’intérieur des véhicules. La valeur totale des pilules stupéfiantes saisies est estimée à plus de 13,5 millions de dinars.

Les unités affiliées au bureau des douanes frontalières du port de La Goulette-Nord  ont pu saisir  au cours de l’année 2023, des quantités importantes de stupéfiants dont 376 kg de cannabis et des comprimés de stupéfiants estimés à plus de 354 mille entre ( « Ecstasy » et « Subutex »).

Lutte contre la corruption en dépit des préjugés

Les succès attestent du grand travail accompli par les services de la douane dans le cadre de la protection de l’économie. Comme il ne se passe pas un jour sans qu’on n’entende parler de la saisie de produits de contrebande. Certaines descentes douanières donnent lieu parfois à des altercations violentes avec les contrebandiers.

Dotée d’une unité de renseignement, une unité maritime, une unité des brigades spécialisées et de 6 unités terrestres composées à leur tour de 43 brigades de surveillance et de recherches, la Garde douanière est en première ligne dans la lutte contre la contrebande et le commerce informel. Une tâche difficile eu égard à plusieurs facteurs dont en particulier le manque de moyens humains (1777 agents seulement sont rattachés aux brigades de surveillance et d’investigations, selon le site officiel de la douane)  insuffisance de moyens techniques et des lois obsolètes qui devraient être révisées rapidement, compte tenu de leur impact positif dans le rendement des services de douane, une fois réformées.

Pour la douane tunisienne, il est primordial de se conformer davantage aux règles de transparence et d’intégrité,  notamment en matière de lutte contre la corruption. En juillet 2019, on se rappelle tous, la défunte Instance nationale de lutte contre la corruption (Inlucc) avait décerné le prix de la meilleure institution publique luttant contre la corruption à la Direction générale de la douane tunisienne. Une consécration qui a été le fruit d’un partenariat entre l’Inlucc, la Direction générale des Douanes, le Programme des Nations unies pour le développement dans le cadre du projet de coopération Pnud-Inlucc sous l’intitulé « Renforcement de la gouvernance démocratique et de la redevabilité publique en Tunisie »  ainsi que  d’une coopération au programme anti-corruption et promotion de l’intégrité de l’Organisation mondiale des douanes.

Le moins de contact direct avec les clients

Cette consécration n’a pas manqué à cette époque d’étonner la grande majorité des citoyens qui croyaient que la douane comptait parmi les secteurs les plus corrompus. Une étude élaborée par l’Association tunisienne des contrôleurs publics et présentée en février 2022, a démontré que 56% des personnes ciblées par l’enquête ont classé les services de la douane en troisième position parmi les structures les plus corrompues. En réalité, et selon les résultats de cette enquête, il s’avère que la douane tunisienne occupe la 9e place avec seulement 5% . En tête de liste, on retrouve le secteur de la sécurité mal coté et mal perçu avec 50% , suivi de celui de la Santé avec 20%.     

Qu’à cela ne tienne, la douane tunisienne tente aujourd’hui de faire évoluer ses pratiques vers plus de transparence, en misant sur la numérisation de ses services.

Et le moins de contact direct avec les clients.

C’est ainsi qu’un service de transaction électronique a été mis en place par la direction générale de la douane en décembre 2022,  chargé de traiter les demandes de conciliation dans les litiges douaniers. Tous les usagers sont appelés à déposer leurs demandes de transaction par le biais de ce service et suivre leurs demandes soit par eux-mêmes soit par le biais de leur mandataire (avocat ou toute autre personne ayant une procuration légale).

Ce travail colossal en arrière-plan manquera toujours de visibilité pour le citoyen lambda, d’autant que les anciennes pratiques de corruption  de quelques douaniers sont toujours à l’œuvre.

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